Processus de création d’une œuvre sonore d’Alan Affichard – Interview

Durant une interview menée en automne, Alan Affichard nous parle de son projet de deuxième année, qui prendra la forme d’une installation sonore, comme le précédent. Il évoque le cheminement de création de ce deuxième projet encore en cours de réalisation. 

Croquis réalisé par Alan Affichard pour Solid State Force

Son projet s’intitule Solid State Force. La seconde moitié du XIXe siècle marque un tournant dans le développement des technologies de l’écoute avec l’invention du microphone à charbon vers 1870, qui jouera un rôle central dans le développement des télécommunications, de l’enregistrement et de l’archivage sonore. Alan Affichard s’intéresse à l’histoire de ces technologies et au lien avec la matière du charbon. C’est également un projet qui a pour but de faire écho à la mémoire ouvrière qui est très ancrée dans la région Haut de France. Le titre aussi fait écho à la technologie solid-state apparue vers les années 1950, dans laquelle les données sont stockées dans des supports solides, par opposition aux composants à lampe et à gaz.

A travers une interview Alan nous explique comment il compte mettre ce projet en œuvre.

  • Peux-tu me parler de Solid State Force ?

« C’est un projet d’installation sonore dans lequel l’idée était d’aller chercher des sons qui sont dans les bassins miniers, dans les sites d’extraction minier, donc d’aller retracer ce que sont devenus aujourd’hui ces paysages, ces lieux. Parfois ce sont des lieux qui sont abandonnés, d’autres qui ont été reconvertis en lieux culturels par exemple. Dans des pays comme en Pologne, ce sont des lieux qui sont parfois toujours en activité.

Et donc l’idée est de créer une bibliothèque de sons, une sonothèque qui allait contenir tous les sons, de toute l’activité qui peut exister encore dans ces lieux. A savoir une activité qui peut être géologique, minérale, animale, et de voir un petit peu ce qui se passe à travers ces lieux maintenant, et de les enregistrer avec des microphones différents, allant du macro au micro, et de voir comment est-ce que je peux enregistrer toutes ces activités qui vont me servir ensuite à faire une composition sonore. Cette composition sonore va se rematérialiser au travers d’objets qui vont être mis en vibration ou qui vont être transformés en enceintes. Je vais essayer de retravailler un petit peu cette question de la matière charbon et de voir comment est-ce que je peux l’utiliser pour en faire des dispositifs sonores ou des dispositifs d’écoute. Donc je le vois pour l’instant comme une espèce de paysage ou de forêt à travers lesquels on passe, donc une forêt de dispositifs, de plusieurs sources sonores. C’est une installation multicanal, et qui va aussi encore une fois permettre au public de se construire une écoute à travers sa déambulation. »

  • Est-ce qu’il y aura aussi un travail photographique pour garder une trace des lieux, ou uniquement du son et une installation ?

« Alors il y aura un travail photographique de documentation mais qui ne sera pas visible, je pense, dans l’exposition. Je prends toujours des photos de ce que je fais pour moi-même, mais c’est vraiment juste pour ma propre recherche. Ce n’est pas pour l’instant en vocation de devenir autre, même si là l’idée est peut-être aussi de de produire un disque vinyle de cette composition. Donc cela prendra peut-être forme comme pochette d’un album ou autre chose, mais encore une fois plutôt comme une sorte de documentation, à voir. »

  • Si la matière du charbon ne nous appartient pas, comment peut-on l’utiliser ?

 « Là, typiquement, je pourrais aussi faire des scans 3D, faire des moulages, essayer de travailler aussi ces questions numériques car, ce sont des objets qui ne m’appartiennent pas. »

  • Tu évoques la Pologne, l’Allemagne, la France… Est-ce que tu as déjà repéré d’autres lieux ou villes précises où tu envisages aussi de vagabonder ?

« J’ai une carte des bassins miniers — notamment dans les Hauts-de-France, où ils sont bien représentés. J’ai déjà effectué plusieurs sorties de repérage pour identifier des lieux, me les approprier, et mieux comprendre le terrain. J’ai aussi été beaucoup guidé par des sites miniers ou d’anciens sites reconvertis en lieux culturels ou en centres de ressources. Certains m’ont transmis de la documentation, d’autres m’ont mis en contact avec des structures locales. Parfois, il est même possible de descendre dans une mine ou d’accéder à un fonds d’archives.

En ce moment, je suis en train de cartographier tous ces lieux, avec l’idée qu’en janvier, j’aurai des destinations précises où me rendre. Je garderai quand même une part de liberté, une possibilité de vagabonder un peu, mais toujours avec en tête la contrainte de l’empreint du matériel, du sonore, et du calendrier. C’est un temps de travail assez court, donc ça demande de l’organisation et une certaine préparation. »

  • Et pour ces captations de son, tu seras tout seul ou tu seras accompagné d’une équipe ?

« Non, j’ai l’idée d’y aller tout seul ou peut-être avec une personne qui va m’accompagner, mais ce n’est pas sûr encore. L’idée, c’est vraiment de prendre le temps, de vagabonder à travers cet espace et de voir ce qui s’y passe. »

image prise de Alan sur son Instagram : alanaffichard, au Terril de Pinchonvalles

Voilà, vous savez maintenant en partie comment un artiste crée son projet : il va d’abord chercher et développer une idée, faire du repérage, puis enregistrer des sons qui seront ensuite intégrés dans une installation. Restera ensuite à lui donner forme ! Solid State Force sera présentée lors de la prochaine édition de Panorama 27, du 19 septembre 2025 au 4 janvier 2026.